par Salvatore Mazza1Traduction de l’italien par Patrice Lauzeral.
Dans le deuxième après-guerre, tandis que le progrès technologique amorçait une formidable accélération qui, en moins de vingt-cinq ans, aurait catapulté l’homme de l’avion à hélice au débarquement sur la lune, un nouveau filon de la littérature de science-fiction était en train de se propager fortement, surtout aux Etats-Unis. Des auteurs comme Isaac Asimov ou Ray Bradbury ne parlaient plus dans leurs œuvres d’aventures interstellaires ou d’invasions d’extraterrestres, mais d’une société aux prises avec les déboires voire même les bouleversements causés par un progrès sur le point d’échapper à tout instant au contrôle de l’homme. Insinuant déjà à l’horizon les questions sur la finalité comme la responsabilité des scientifiques, les limites de la recherche, les conséquences d’une technologie en tant que telle.
Nous voyons très bien aujourd’hui à quel point ces questions sont d’extraordinaire actualité, lorsque la continuelle nouveauté des découvertes scientifiques alimente constamment des espoirs qui doivent se mesurer à des risques toujours croissants. Car, pour citer les mots que le pape François a adressé aux participants au séminaire “Le bien commun à l’heure du numérique” : « un monde meilleur est possible grâce au progrès technologique s’il est accompagné par une éthique fondée sur une vision du bien commun, une éthique de liberté, responsabilité et fraternité, capable de favoriser le plein épanouissement des personnes en relation entre-elles et avec la création ». En effet, “l’incontestable bénéfice que l’humanité pourra tirer du progrès technologique dépendra de la dimension éthique qui sera attribuée à l’emploi des nouvelles possibilités à disposition », bien au contraire « un paradigme dominant – le « paradigme technocratique » – qui promet un progrès incontrôlé et illimité, va s’imposer et peut-être, aller jusqu’à, éliminer d’autres facteurs de développement mettant toute humanité en grand danger. »
En 2006, en parlant à l’Académie des Sciences, Benoît XVI affermit que “l’homme ne peut pas avoir en la science et la technologie une confiance tellement enracinée et incontestable au point de croire que le progrès scientifique et technologique puisse tout expliquer et englober la totalité de nos besoins matériels et spirituels”, tandis que la « la prévisibilité scientifique soulève aussi la question de la responsabilité éthique du scientifique. Ses conclusions doivent-être guidées par l’esprit de vérité et par admettre honnêtement aussi bien la rigueur que les inévitables limites du progrès scientifique…”. Jean-Paul II a fait une fois une observation : “Les scientifiques, donc, parce qu’ils “en savent davantage”, sont amenés “à servir davantage”. Car la liberté dont ils disposent dans la recherche leur ouvre les portes du savoir spécialisé, et leur impose donc de l’utiliser avec sagesse pour le bien de toute la famille humaine”.
Ainsi, de nos jours lorsque, comme l’a dit le Pape Bergoglio “désormais nous savons tous que l’humanité doit affronter des défis sans précédents et totalement nouveaux”, il faut absolument que “les défis éthiques soient conçus dans le cadre du “bien commun”. En effet, “il est impossible de concevoir un système éthique digne de ce nom qui ne prévoit pas ce bien comme l’un de ses points d’orgue fondamentaux”. Autrement, “s’il devait s’avérer que les progrès technologiques provoquent des inégalités toujours plus marquées, on ne pourrait plus les considérer comme d’authentiques progrès ». Et « si le soi-disant progrès technologique de l’humanité devenait un ennemi du bien commun, il conduirait malheureusement au retour à une forme de barbarie où compte la loi du plus fort”. Une course à perdre haleine vers l’autodestruction.
Note
↑1 | Traduction de l’italien par Patrice Lauzeral. |
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